. Introduction
Le 41ème Rapport Mensuel analyse le lien entre possession et résultats dans 35 championnats de fédérations membres de l’UEFA pour les saisons 2016/17 et 2017/18 (2017 et 2018 pour les ligues d’été). Les données utilisées ont été produites par la société spécialisée InStat, avec laquelle l’Observatoire du football CIES collabore. Au total, l’échantillon se compose de pas moins de 19,949 rencontres de championnat.
L’analyse porte à la fois sur les résultats à l’échelle des matchs que sur les classements en fin de saison. Si le lien entre les trois indicateurs de possession pris en compte et le succès est indéniable, l’étude montre que ce n’est qu’à partir d’un certain seuil que la maîtrise du ballon permet aux équipes d’améliorer significativement leurs résultats. D’où probablement l’idée fausse mais bien répandue que la possession n’est pas un critère-clé de succès.
Figure 1 : échantillon de l’étude
2. Analyse par match
Le premier type d’analyse consiste à croiser le pourcentage de possession de la balle avec la différence moyenne de buts par match. La possession a été calculée sur la base du temps de jeu effectif. La Figure 2 illustre le lien positif entre possession et résultats. Néanmoins, un véritable décrochage n’intervient qu’à partir d’une possession d’environ 57%. C’est à partir de ce seuil que les équipes dominantes augmentent significativement leurs probabilités de victoire.
Figure 2 : % de possession et différence de buts, 35 ligues
Le deuxième indicateur analysé est le pourcentage de passes réussies par une équipe par rapport au total de passes réussies lors d’une rencontre. Dans ce cas aussi, un lien positif avec les scores existe. Jusqu’à un seuil d’environ 55%, la capacité à réussir plus de passes que son adversaire n’a cependant pas d’impact sur les résultats. Cela confirme que la possession doit être suffisamment importante pour constituer un facteur-clé de succès.
Figure 3 : % de passes et différence de buts, 35 ligues
Une troisième analyse prend en compte le pourcentage de passes réussies par une équipe dans le tiers de l’adversaire par rapport au total de passes réussies par les deux équipes dans ces zones du terrain. Ici également, un lien avec les résultats existe. Dans ce cas, ce n’est qu’à partir d’un seuil d’environ 60% que l’indicateur en question devient un critère-clé pour remporter des victoires.
Figure 4 : % de passes dans le tiers adverse et différence de buts, 35 ligues
Ce seuil relativement élevé renvoie au fait que les équipes menant au score tendent à accepter la domination de l’adversaire en adoptant une tactique défensive vouée à la conservation du score. Si une telle stratégie peut se révéler payante à l’échelle d’un match, le prochain chapitre montre qu’elle ne l’est pas sur l’arc d’une saison.
Le lien entre possession et différence de buts à l’issue des rencontres se décline très différemment en fonction des ligues. À un extrême, le pourcentage de possession joue un rôle décisif en Eredivisie néerlandaise, un championnat plutôt déséquilibré avec un style de jeu ouvert. Aucun lien entre possession et succès n’a par contre été observé dans les cinq deuxièmes divisions analysées. Il s’agit dans ce cas de ligues plutôt équilibrées où les équipes marquent relativement peu de buts.
Figure 5 : différence de buts selon le % de possession, par ligue
3. Analyse par saison
L’impact de la possession peut aussi être mesuré à l’échelle des résultats sur l’arc d’une saison, que ce soit par rapport à la moyenne de points par match ou à la différence de buts agrégée. Dans les deux cas, les corrélations les plus fortes ont été enregistrées pour le pourcentage de passes réussies par une équipe dans le tiers adverse par rapport au total des passes réussies dans ces zones du terrain. Sur l’ensemble d’une saison, il s’agit de l’indicateur le plus pertinent parmi ceux analysés pour expliquer le succès.
Figure 6 : corrélations entre les indicateurs de possession et les résultats sur l’arc d’une saison (r2), 35 ligues
Les corrélations entre le pourcentage de possession et les points par match à l’échelle d’une saison mettent de nouveau en évidence l’importance des écarts en fonction des championnats. Les deuxièmes divisions des pays qui accueillent les cinq grandes ligues européennes sortent ici aussi du lot par le faible impact de la possession sur les résultats. À l’exception de la Segunda División espagnole et de la Zweite Bundesliga allemande, les corrélations sont néanmoins significatives (avec une probabilité d’erreur inférieure à 5%) contrairement à ce que l’on observe à l’échelle des matchs.
Figure 7 : corrélations entre % de possession et points par match à la fin de la saison, par ligue
Le pourcentage de possession moyen des équipes ayant gagné leur championnat lors des deux saisons analysées a été de 57%. Ce pourcentage s’élève à 59% pour le pourcentage de passes réussies et à 60% en ce qui concerne le pourcentage de passes réussies dans le tiers adverse. La Ligue 2 française est la seule des 35 compétitions prises en compte dont les champions ont en moyenne eu un pourcentage de possession inférieur à 50%.
Figure 8 : % moyen des champions sur trois indicateurs de possession, par ligue
Manchester City, Bayern, Celtic et Shakhtar sortent du lot parmi les champions avec les plus forts pourcentages de possession. À l’opposé, sept des 70 champions ont remporté leur ligue avec un pourcentage de possession de la balle inférieure à 50% : Spartak Trnava, RC Strasbourg, Stade de Reims, AIK Solna, FC Midtjylland, Spal 2013 et CFR Cluj. Il s’agit d’exceptions qui confirment la règle.
Figure 9 : % de possession les plus élevées pour les champions
Figure 10 : % de possession les plus faibles pour les champions
4. Conclusion
Les données produites par la société InStat ouvrent de nombreuses opportunités pour analyser le football et comprendre les critères-clé de succès. Ce Rapport Mensuel indique que toute équipe ambitieuse doit être en mesure d’avoir une possession du ballon au moins équivalente à celle de ses adversaires. Les 70 champions des 35 ligues et deux saisons analysées ont en moyenne eu 57% de possession lors de leur sacre.
Tous les indicateurs pris en compte montrent que si à l’échelle d’un match une équipe peut parfois se permettre d’accepter la domination de l’adversaire, d’autant plus lorsqu’elle mène au score, cette stratégie n’est pas payante à plus long terme. En effet, elle comporte trop de risques de concéder le premier but sans être par la suite en mesure d’exercer une pression suffisante sur l’adversaire.